Parents incestueux, parents pédophiles ?

Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :

Pour les personnes qui vont commettre des actes incestueux, il n’y a pas forcément d’attirance pour l’enfant et pour l’enfance d’une manière générale. Il va y avoir un système familial qui par contre va engendrer un passage à l’acte sexuel envers l’enfant de la famille. Mais la plupart du temps, il n’y aura pas de passage à l’acte envers les enfants qui ne font pas partie de la famille.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

Le père incestueux il aime sa fille, il aime pas toutes les filles, toutes les petites filles. Donc le père incestueux est rarement pédophile. Rarement. Et donc on est dans cette relation particulière et singulière, où il y a de l’excitation sexuelle qui va venir rattraper la relation affective et amoureuse et du coup jouer dans la relation fille/père ou fils/mère quelque chose de l’ordre du génital ou du sexuel. Et du coup confusion, très souvent de manière insidieuse : on va dormir dans le lit du parent, l’autre parent n’est pas là, et du coup on se rapproche parce qu’on a peur et du coup il peut y avoir un phénomène d’excitation sensorielle, sensuelle et sexuelle. Surtout lorsque l’enfant est dans une interrogation, entre 6 et 12 ans : « tiens qu’est-ce qui se passe à cet endroit ? Montre-moi, explique moi ». Avec dans l’après-coup des rationalisations du côté du parent en disant « mais c’est lui qui m’a demandé ». Oui mais attendez, si on faisait tout ce que les enfants demandent, vous imaginez ? Non mais c’est juste n’importe quoi. C’est bien le rôle du parent de ne pas dire oui tout le temps à l’enfant.

Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :

C’est un système familial assez complexe à décrire où la barrière générationnelle est très floue, elle est émoussée, et où il va y avoir un glissement dans le langage, entre le langage de l’enfant qui est le langage de la tendresse, le langage de l’adulte qui est celui de la sexualité, et à un moment donné, un passage à l’acte peut advenir.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

Le parent un peu fragile, un peu vulnérable, un peu compliqué et qui est dans les malentendus, peut venir comme ça jouer quelque chose de l’ordre du sexuel avec l’enfant, quel que soit le sexe du parent. La maman qui lave son petit garçon, qui a une érection dans la salle de bains, et qui continue de le laver, qui va tranquillement, parce que c’est marrant, le petit garçon qui prend la main de la maman et qui commence à demander à la maman de le masturber, parce que c’est marrant. Et puis la maman qui aime son garçon, qui le frotte, et qui va lui frotter le sexe. Ça c’est de l’inceste. Le papa qui n’est pas là, le petit garçon qui va dans le lit de maman et qui vient se coller à maman, et qui va se frotter à maman, autour de la relation autour du sein, de la bouche, etc. C’est de l’inceste.

Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :

Il y a des pères incestueux qui ont une pédophilie secondaire, c’est la majorité. Ils sont habituellement attirés par les hommes adultes ou les femmes adultes et ils peuvent secondairement être attirés par leurs enfants. Et puis il y a des actes incestueux où la dynamique profonde est pédophile : dit autrement, le sujet lui-même finit par dire – souvent c’est des beaux-pères – : « Je me suis rapprochée de cette femme parce qu’elle avait des enfants qui correspondent à mon choix d’objet ».

Patrick Blachère, expert psychiatre, sexologue, vice-président de l’Association Interdisciplinaire post Universitaire de Sexolologie (AIUS) :

Maintenant, il peut y avoir des parents pédophiles qui ne vont pas forcément agresser leurs enfants. Ça aussi c’est important à savoir. C’est une question qui est souvent posée par les magistrats ou par les jurés : pourquoi monsieur X ou madame Y, qui a reconnu x agressions d’enfants, n’a jamais commis d’actes de cette nature sur ses enfants ? Ça on ne sait pas forcément l’expliquer, du reste, mais c’est quelque chose que l’on constate.

Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :

On peut se poser la question d’une pédophilie quoiqu’il arrive. C’est-à-dire que tous les parents incestueux ne sont pas forcément non-pédophiles et inversement. Il existe des parents incestueux qui sont pédophiles, il existe des parents incestueux qui ne le soient pas, des pédophiles qui passent à l’acte dans leur famille, d’autres qui vont passer à l’acte plutôt à l’extérieur, d’autres qui ne passeront pas du tout à l’acte, c’est important de le préciser quoiqu’il arrive.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.