Mon enfant a vu du porno
Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :
Aujourd’hui, le défi du monde moderne pour les adultes, c’est au fond, et c’est parfois déstabilisant pour certains adultes, c’est nos enfants. Nos enfants très jeunes ont pu surprendre dans ce monde de l’image, dans ce monde hyper visuel, des images qui sont trop tôt pour eux, et donc ce qui fait qu’en tant que parents, je dois être conscient que dans ce monde moderne, mon enfant prépubère a pu voir des scènes, voir des images, voir des films parfois. Et donc, ne pas avoir peur moi-même en tant qu’adulte, et créer un dialogue avec lui. Et là aussi on voit le fait que pour un prépubère, que ses parents, des adultes en général, puissent parler de ça avec eux, suffit par apaiser, par tranquilliser, par leur apprendre à mettre à plat cette excitation sinon un peu « brownienne » si finalement ils n’ont pas l’occasion d’en parler avec quiconque.
Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :
Rentrer dans l’âge adulte, c’est-à-dire la crise d’adolescence, qui va être « je m’extirpe de l’enfance et je rentre dans l’âge adulte », va se situer dans cette double dynamique entre « je transgresse pour sortir de l’âge des enfants » et « je me conforme pour ressembler à un adulte, j’ai besoin d’avoir des modèles identificatoires pour pouvoir savoir comment me comporter en adulte. » Et si ces modèles-là sont pris dans l’imagerie urbaine quotidienne : les journaux, la presse, la pornographie pour ceux qui y ont accès et qui y ont beaucoup accès, et bien ça va les pousser très fortement et par la transgression et par le conformisme à avoir une sexualité peut-être même parfois un petit peu trop tôt par rapport au ressenti profond du désir de sexualité.
Walter Albardier, médecin psychiatre au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles Ile-de-France (CeRIAVSIF) :
Je ne sais pas si aujourd’hui plus qu’auparavant, il y a du sexuel, plus ou moins de sexuel. Je me rappelle que dans les années 1980, allumer la télé sans tomber sur un film érotique, ce n’était pas simple. Aujourd’hui, il y a un autre mode de communication, de divulgation du sexuel, c’est vrai qu’Internet est un endroit où l’accès au sexuel est plus que facile. Dans les rapports sociaux, finalement, les codes, les codifications de la sexualité ont changé. Par contre c’est sûr qu’ils sont plus en avant, enfin je crois, au moins dans les propos, dans ce qui est mis en avant par les plus jeunes, dans la société. Et les termes, les savoirs, les connaissances sur toutes ces questions liées à la sexualité, n’étaient peut-être pas les mêmes il y a 30 ans ou 40 ans.
Ça a un impact, sur les enfants ?
Une vraie question, c’est de savoir comment c’est intégré. Quand les enfants sont structurés de façon solide, ils laissent cela pour plus tard. Et puis pour certains enfants ça peut être quelque chose qui fait effraction, à un moment qui n’est pas le bon, et ça peut devenir, finalement, quelque chose de déstructurant, pour la suite.
L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.