Les adolescents pédophiles

Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :

Il y a chez les adolescents, des adolescents qui agressent des femmes adultes ou des filles de leur âge. Ils sont semblables aux violeurs, aux agresseurs sexuels de femmes adultes ou d’hommes adultes. Et puis, il y a les adolescents qui agressent des prépubères. Prenons un exemple pour concrétiser la chose : un adolescent, en babysitting, qui va dériver vers le fait de frotter son sexe contre une petite fille de huit ans alors qu’il est censé la garder. Dans la plupart des cas, quand on leur demande à quoi ils pensent en général, par exemple dans leur vie auto-érotique, on voit que ce sont des adolescents immatures, timides, qui n’ont pas accès aux filles de leur âge, mais qui sont intéressés sexuellement – qui sont hétérosexuels adultes – et qui dérivent avec cette petite fille, qui est la seule qu’ils peuvent approcher, pour expérimenter ce qu’ils ont vu dans un film porno, avec sur fond une personnalité un peu égocentrique.
Donc la majorité des adolescents qui dérivent vers des actes sur des prépubères sont plus des immatures – parfois des égocentrés aussi – avec un attrait pédophilique secondaire. La petite fille fait fonction de femme. Et puis, bien sûr, comme tout est compliqué – le comportement ne donne pas une clef – il y a un certain nombre d’entre eux, et ce n’est pas toujours visible, dont c’est le premier acte qui structure, qui signe le fait que dans leur tête, ils sont attirés par les prépubères. Donc, au fond, qu’est-ce qu’on peut faire de mieux ? On les accompagne de façon longitudinale pour distinguer ceux chez lesquels cette agression d’un prépubère est simplement un substitut, donc au fond le substitut d’une fille plus grande faisant fonction d’adolescente, faisant fonction de femme, et puis ceux chez lesquels ce premier acte peut être la première traduction, alors que parfois eux-mêmes ne le savent pas, d’une orientation pédophilique.

Ève Pilyser, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique et de l’Association de Psychanalystes et Psychothérapeutes Jungiens :

L’adolescence est une période charnière de l’évolution de l’être humain, une période très mobile, très plastique, où tout se retravaille. Donc si il ressent un malaise, une souffrance, un besoin de communiquer ou de partager, et qu’il est d’accord avec cette démarche d’aller demander de l’aide, ça peut être très transformateur et positif pour lui.

Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :

On a de tout temps, et c’était une erreur, été trop compréhensif envers les adolescents, en disant : « c’est de l’immaturité… » Il est évident que quand quelqu’un dérive vers des actes vis-à-vis des prépubères en étant adolescents, c’est quand même un feu clignotant.

Un agresseur sexuel sur quatre est un mineur. Si des parents sont au courant que leur adolescent a eu des gestes déplacés avec un enfant, que doivent faire ces parents ?

Ève Pilyser, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique et de l’Association de Psychanalystes et Psychothérapeutes Jungiens :

En discuter avec leur adolescent, lui dire qu’ils sont au courant, poser l’interdit ou les interdits, et poser aussi les choses autorisées, en contrebalancement, puisqu’il faut bien qu’il ait une porte de sortie à ses pulsions, qu’il voit comment il peut vivre avec ses pulsions. Lui proposer de l’aide, et que les parents incluent dans cette conversation une remise en question personnelle. Si l’adolescent en est venu à passer à l’acte de cette sorte-là, c’est que assurément il y a quelque chose dans son environnement proche, qui les concerne eux en première ligne, qui n’a pas été juste, qui ne lui a pas donné les moyens de se développer de bonne manière sur cette question-là, et qu’ils vont y réfléchir, qu’ils vont y travailler pour l’aider au mieux.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

Parfois ces mineurs, ces adolescents vont simplement répéter quelque chose qui leur échappe. Ils ne sont même pas tout à fait dépositaires du truc, mais il y a une espèce de fatalité, une espèce de répétition qui s’inscrit dans la sphère familiale et de manière plus générale, avec des adolescents – comme les enfants – qui sont un peu acculés dans des impasses et qui vont passer à l’acte. Donc malheureusement c’est toujours une catastrophe, mais on va essayer de leur proposer de nouveaux espaces pour réinvestir leur propre sexualité. Et ça fonctionne assez bien.

Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :

Bien sûr, ce qu’on pourrait faire de mieux, c’est d’envoyer un message à tous ceux qui sont jeunes adolescents et jeunes adultes conscients qu’ils sont attirés par les enfants, qu’au fond, ils peuvent, ils doivent venir consulter, venir en parler, pour le dire encore de façon plus humaine, pour, en humanisant la sexualité, en en parlant, devenir des gens qui ont des fantasmes mais qui ne passeront jamais à l’acte sur les enfants.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

Au plus on prend en charge le problème tôt, meilleur est le pronostic. Et ça c’est vrai de manière générale en médecine, en particulier en psychiatrie. Et donc, dès qu’il y a des soucis de ce point de vue, il faut s’en occuper, s’en préoccuper.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.