Abus sexuels des enfants : où commence l’abus ?

Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :

J’ai envie de dire : justement quand c’est sexualisé, c’est-à-dire précisément quand on va proposer à un enfant une forme, un modèle, une relation qui ne correspond pas à son âge de développement. Et à partir de ce moment-là, lui, il ne va peut-être pas l’exprimer en termes d’abus, il ne va peut-être pas forcément l’exprimer en termes de sexualisation, mais il va ressentir une gêne. Et cette gêne-là, il faut qu’il en tienne compte. Il faudrait, dans le meilleur des cas, qu’il puisse en parler.

Violaine Guérin, endocrinologue et gynécologue, présidente de l’Association Stop aux Violences Sexuelles :

La violence, elle débute quand on n’est pas dans le respect de l’autre. Des sifflets comme sont souvent victimes beaucoup de jeunes filles dans la rue, ou un toucher, même s’il n’est pas dans une zone sexuelle, mais qui est dans l’intentionnalité du non-respect de l’intimité, est une violence.

Brigitte Allain Dupré, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA) :

Est-ce qu’un regard appuyé, est-ce que des mots prononcés peuvent être considérés comme un abus sexuel ?

C’est intéressant comme question parce que vous sentez bien que des mots prononcés ou un regard appuyé, c’est de l’ordre de la pénétration, mais pas du geste. Ça fait intrusion dans notre monde intérieur : on ne l’a pas demandé, on ne veut pas ça. C’est abusif. Sur le plan juridique, ça ne sera jamais considéré comme un abus sexuel, mais sur le plan psychologique c’est abusif.

Walter Albardier, médecin psychiatre au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles Ile-de-France (CeRIAVSIF) :

Je pense par exemple à des enfants qui vont être témoins d’une discussion entre adultes un peu graveleuse, etc. Ces discussions-là peuvent être assez déstabilisantes pour les enfants, alors peut-être pas traumatisantes, pas un trauma psychique…

Donc, les blagues cochonnes, on évite quand il y a un enfant présent.

Oui, on évite les blagues cochonnes quand il y a un enfant présent, et d’ailleurs on évite les enfants à la fin des repas trop arrosés, pour être très clair. Oui, il faut éviter ces choses-là.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

Tout regard n’est pas un abus, tout geste n’est pas un abus. On peut mettre une petite tape sur les fesses sans intention de faire du mal. Or, ça peut être vécu comme une agression. Donc ça, ça renvoie vraiment à la perception subjective de la « victime », et puis de l’intention de celui qui la donne, et de l’intention et du type de relation entre l’auteur potentiel et la victime.

Brigitte Allain Dupré, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA) :

Moi j’ai envie de dire que psychiquement et psychologiquement, ce qui est abusif, c’est ce qui fait intrusion de l’ordre d’une sexualité décalée en termes de génération, en termes de moment. Moi je peux vous raconter que quand j’avais douze ou treize ans, j’ai été confrontée à un exhibitionniste. Ça a duré trente seconde, j’ai soixante-dix ans je m’en souviens encore, je n’ai jamais pu en parler à mes parents, et quand j’évoque ça pour vous, ça me fait venir une émotion. Donc vous voyez ? Ça a duré trente secondes ! Toc toc toc le truc, hein ?
Donc quand on pose la question « où commence l’abus ? », c’est vraiment de se dire que quelque chose est imposé à la sensualité, à la sensorialité de l’autre, qu’il n’a pas à recevoir, qu’il n’a pas à supporter.

L’enfant n’est pas capable de recevoir cela ? Il n’a pas les outils ?

Il n’a pas les outils, il ne l’a pas demandé, il n’en veut pas, ce n’est pas de ça dont il a besoin.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.