Viol des enfants et Justice : quelles solutions pour les auteurs ?

Brigitte Allain Dupré, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA) :

Par rapport à des abuseurs… J’ai eu plusieurs situations d’hommes qui ont été des abuseurs dans ma clientèle. C’est très intéressant de voir que lorsqu’il n’y a pas eu d’actions en justice, ils restent avec quelque chose qui les marquent également au fer rouge, c’est-à-dire : ils se sentent coupables et il n’y a pas eu de lieu pour se faire reconnaître comme coupable. C’est-à-dire pour entamer un processus de réparation. Alors ils viennent se faire reconnaître comme coupable chez le psy, qui reprend cette culpabilité dans son ensemble, pas simplement sur le plan juridique. Mais c’est une question très intéressante : « comment je pourrais réparer, puisque je n’ai pas été accusé, en fait ? »

Odile Verschoot, psychologue clinicienne en milieu pénitentiaire, présidente de l’Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs d’Agressions Sexuelles (ARTAAS) :

Quand la loi intervient, quand l’interdit est clairement notifié par une condamnation, une condamnation de l’acte : une condamnation morale et une condamnation pénale. En tous cas, quand l’interdit est posé, l’auteur d’actes pédophiles en prend acte, ça fait sens pour lui. Il n’avait pas le sentiment de commettre un crime, néanmoins, quand on lui dit « c’est un crime et c’est interdit », il prend acte de l’interdit et il va le respecter.

Mais est-ce qu’il faut qu’il y ait une prise en charge thérapeutique ?

Pour qu’il y ait une prise en charge thérapeutique, il faut que les deux marchent de concert : il faut que la loi – la société, au fond – dise « c’est interdit ». À partir de là, ça ouvre un espace pour le soin, c’est-à-dire que la personne, on va lui offrir la possibilité de réfléchir à « qu’est ce qu’il s’est passé ? » et « comment ça a pu arriver ? » et le soin, qui fait partie de la condamnation le plus souvent, l’injonction de soin éventuellement, l’obligation de soins mais l’injonction de soins…

C’est quoi la différence ?

La différence c’est le montage légal. L’obligation de soins est prononcée par n’importe quel magistrat à n’importe quel moment de la procédure, sur sa propre évaluation de la situation. L’injonction de soins est prononcée à partir d’un avis d’expert psychiatre qui va mentionner dans ses conclusions expertales les aptitudes de la personne à s’engager dans du soin. Au moment du verdict de condamnation pénal, va être prononcé un suivi socio-judiciaire, donc on est dans la partie sociale, assorti d’une injonction de soins, donc là on est dans le champ thérapeutique. Ça veut dire que le pénal, le social et le thérapeutique vont constituer un maillage pour que les différents pans de la vie soient pris en charge et accompagnés. Le soin a du sens dans ce contexte-là. Le soin ne peut pas avoir de sens et d’efficience seul. La loi toute seule ne suffit pas, le soin tout seul ne suffit pas. La conjugaison des deux est efficace.
Le problème de la pédophilie, ou du pédophile, il est à la fois pénal – c’est interdit par la loi -, social – il est pas très bien dans ses relations avec les autres et il est « le monstre » – et thérapeutique, puisque les actes pédophiles qui sont advenus sont le fruit d’une histoire, surgissent dans un contexte, qu’il convient d’analyser.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.