Tourisme sexuel : qui sont les enfants victimes ?

On entend souvent que la prostitution, c’est de l’argent facile. C’est, au départ en tous cas, de grosses sommes d’argent. Et donc que ça attire les adolescents, qui n’ont rien, qui sont dans la misère.

Anko Ordonez, responsable de la communication de ECPAT France, ONG dont la mission est de lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales :

Oui, à première vue, c’est de l’argent facile. Ce que ces filles ne savent pas, c’est à quoi elles sont confrontées, et quelles sont les conséquences à long terme. Choses qu’elles commencent à réaliser au bout de quelques mois. Quand une fille passe plusieurs mois dans la prostitution, elle commence vraiment à réaliser que c’est vraiment pas aussi facile que ça. Elles doivent faire ce que le client demande. Elles doivent parfois accepter des montants dérisoires. Je vous parle de 1,30€, 1,50€. Il faut essayer de se distancier de tous ces clichés liés à la prostitution de mineurs, de luxe. On n’est pas confronté à ça en Afrique, ou dans les continents où on travaille. On est confronté à des filles qui n’ont rien, qui vivent dans la rue, qui ont perdu leurs parents, qu’ils soient en vie ou pas. Elles ont perdu leurs parents, elles n’ont pas de soutien, elles sont toutes seules dans la rue à 12, 13, 14 ans, et elles doivent manger, s’habiller. Elles doivent survivre dans un environnement… Je sais pas si beaucoup de personnes ont visité des bidonvilles… mais, ce sont des lieux où la vie est extrêmement dure, où on est confronté à tous types de violence, physique, psychologique, de stigmatisation de la communauté. On est isolé. Quand on est en situation de prostitution, on a 14, 15, 16 ans, on est une fille en situation de prostitution, on n’est pas considéré comme une personne dans la communauté. On est considéré comme un animal, comme un objet. Donc, quand on commence un processus de réhabilitation et de réinsertion, on part de très loin. On part d’un gouffre énorme. Les filles ne voient pas l’avenir. Elles ne peuvent pas imaginer, quand elles sont en situation de prostitution, ce qui va se passer après-demain.
La meilleure arme pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants, dans le tourisme et les voyages, c’est l’information. C’est quand l’information circule. Quand un témoin informe les autorités. Quand les autorités locales informent les autorités du pays de la personne qui est concernée. Quand l’information circule, il y a beaucoup plus de chances de poursuivre l’abuseur sexuel. Quand l’information ne circule pas, cette personne sera libre, et sera libre de re-voyager dans un autre pays.

Alors, quand on est un touriste, et qu’on est dans un pays étranger, et que l’on voit une situation un peu bizarre, un peu dérangeante. Un adulte qui est en train de draguer de très près une adolescente, qui paraît quand même très jeune. Qu’est-ce qu’on fait ? On tourne la tête, et on continue à siroter l’apéro ?

C’est une bonne question. Nous, ce que l’on recommande, c’est de transmettre les informations aux autorités.

Comment on fait ?

Vous pouvez transmettre les informations aux autorités locales, appeler la police locale. Dans certains pays, ça marche très bien. Nous, ce que l’on recommande, c’est de multiplier les canaux d’information, les canaux de communication. Vous signalez aux autorités locales. Vous signalez à votre ambassade, la vôtre. Et vous signalez sur un site internet qu’on a créé, qui s’appelle « Report Child Sex Tourism ». Donc, si vous multipliez les canaux de communication, vous aurez plus de chance que votre signalement aboutisse à l’ouverture d’une enquête. Parce qu’il faut une enquête. On n’est très rarement sûr de ce qu’on voit. Mais même dans le doute, on peut le signaler. On doit le signaler. C’est même une obligation.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.