Sollicitation sexuelle d’un enfant : comment réagir ?
Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :
Alors, c’est vrai qu’une minorité de prépubères ont des comportements qui peuvent être considérés comme un peu étonnants, scotchants, provocateurs. Débarrassons-nous du premier élément : souvent, ces comportements sont interprétés par des êtres humains, des sujets qui eux-mêmes sont attirés par les enfants, comme « il m’excite, il me provoque, il me cherche, il me veut ». Alors qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que la sexualité humaine est extrêmement anarchique et souvent il y a des jeunes prépubères qui ont une excitabilité de tempérament, et aussi, il faut être honnête parfois, et là on voit un des méfaits du monde moderne, c’est-à-dire qu’au fond, qu’un prépubère puisse avoir accès au visionnage d’un film pornographique crée une espèce d’excitabilité précoce. C’est-à-dire qu’au fond, si je veux être très simple, ce prépubère singe la sexualité des adultes, parce qu’au fond il a une petite excitation personnelle, mais surtout il a vu sûrement des images, il a vu une scène, il a surpris un couple. Il a, alors qu’il est trop jeune pour le faire, visionné des films pornographiques, et donc ça crée une excitabilité. Et il y a chez les jeunes, chez les prépubères, le fait de mettre en scène, répéter ce qu’ils ont vu. Donc évidemment, ça ne veut pas dire que « je veux un rapport sexuel avec toi » et donc la plupart des adultes vont être plutôt étonnés, voire déstabilisés, et puis il faut recadrer le jeune, essayer d’apaiser un peu ça, éventuellement créer un espace de dialogue sur ce qu’il a pu voir. Aujourd’hui, on est dans un monde, et je le dis aux adultes : « ne vous demandez pas comment aborder avec les jeunes des sujets difficiles, des sujets tabous, mais essayez de partir de ce qu’ils ont vu.
Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :
Un enfant qui va avoir des comportements hypersexualisés, qui ne correspondent pas à son âge, parfois va chercher à exprimer quelque chose d’une angoisse. Alors on va toujours se poser la question en arrière-plan de savoir s’il n’a pas été victime, parce qu’il arrive que les enfants qui ont été victimes expriment cela justement par des comportements hypersexualisés, qui sont souvent mal compris par les adultes autour, qui le vivent comme de la provocation, et qui vont être dans le rejet. Non. Pas du tout. Il va falloir justement s’inquiéter, être à l’écoute, essayer d’ouvrir la parole et se poser la question.
Et puis, quand a priori simplement l’enfant est dans une dynamique d’exploration, il n’a pas encore compris qu’il y a certaines choses qui se font dans le privé, qui ne se font pas en public, c’est tout simplement lui rappeler cette règle-là, que : « Il y a certains comportements qui sont intimes, et il va falloir justement qu’il construise — ça, ça fait partie des phases de construction — qu’il construise cette intimité, avant de rentrer en interaction sexuelle avec les autres ».
Alors l’adolescent qui a un enfant qui vient lui demander : « Est-ce que je peux voir ton zizi ? ».
Il lui dit tout simplement : « Non ».
Il lui explique pourquoi ?
Alors il lui explique pourquoi. Il lui explique que c’est son intimité, et que de fait, il n’a pas envie de montrer son sexe à brûle-pourpoint, à n’importe qui et a fortiori à un enfant. Et il peut lui expliquer que ce n’est pas de son âge et qu’il verra ça peut-être plus tard. Mais toujours se poser la question de savoir « mais pourquoi cette question ? » Donc peut-être on peut aller chercher un petit peu plus loin.
La première réponse en tous cas c’est « non ». Bien sûr que non.
L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.