Que dire à un pédophile ?

Qu’est-ce qu’on fait quand on a une suspicion d’abus sexuel sur un enfant ? On remarque qu’il y a un adulte qui a un comportement qui pose question. Qu’est-ce qu’on peut faire ? Qu’est-ce qu’on doit faire ?

Ève Pilyser, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique et de l’Association de Psychanalystes et Psychothérapeutes Jungiens :

Il est important qu’on ne s’en fiche pas, qu’on se préoccupe de ce qui nous alerte, et – une notion importante – de se dire que si l’on est témoin de quelque chose, quoique ce soit, ça nous regarde.

Donc on a un rôle à jouer ? On a une responsabilité ?

On a une forme de responsabilité, de la même manière que si quelqu’un cherche à se suicider sous nos yeux, on est tenu légalement d’essayer de le ramener à différer et à réfléchir à cet acte. De la même manière, quand on est témoin de quelque chose qui se passe et qui est potentiellement grave ou dommageable, on essaye d’intervenir.

Brigitte Allain Dupré, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA) :

On est contaminé psychiquement par la situation, c’est-à-dire que ça peut provoquer chez nous des effets de sidération, de la même manière que la victime est sidérée. Et donc, dans l’après-coup, on se dit « j’aurais dû faire quelque chose, j’aurais dû dire quelque chose », et puis on l’a pas fait. La chose la plus importante, c’est justement de se familiariser avec l’idée que cette situation pourrait nous arriver. Je me fais le film à l’intérieur de moi « qu’est-ce que je ferais, comment est-ce que je réagirais si j’étais témoin d’une situation pareille ? » Si je ne l’ai pas pensé à l’avance, à mon avis, à coup sûr je serai sidéré(e), je ne pourrais pas bouger. Si je me suis déjà posé(e) la question, j’irais taper sur l’épaule du grand ou de l’adulte en disant « je crois que là, il se passe quelque chose qui n’est pas juste. Si tu as envie, on va faire un petit tour tous les deux et puis on parle de ce qu’il se passe pour toi, parce que je crois que cet enfant est proche d’être ta victime ». C’est-à-dire en même temps de la bienveillance, et en même temps une limite. Parce que si on pose tout de suite un interdit, l’autre va partir en courant. Il faut garder un contact avec lui, c’est-à-dire lui faire sentir qu’on est touché, on comprend ce qui est en train de se passer, mais qu’en même temps, on peut faire évoluer la situation.

Je crois que pour libérer la parole, il faut d’abord qu’on se situe en face de l’autre en lui faisant sentir qu’on est un humain comme lui, et qu’on est pas un juge et qu’on a pas une supériorité, qu’on a tous nos faiblesses, qu’on a tous nos fragilités. Et que c’est d’abord ce partage, cette dimension de bienveillance qui permet – je ne dis pas « l’aveu », parce que « l’aveu » ça a une connotation judiciaire – la reconnaissance de sa propre vulnérabilité, de sa propre faiblesse : « oui tu as raison, j’ai failli faire quelque chose de grave, mais heureusement tu étais là et le fait qu’on puisse en parler ensemble, ça me fait du bien. » On est des humains, ensemble.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.