Pourquoi devient-on pédophile ?

Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :

Pourquoi quelqu’un est pédophile, comme pourquoi quelqu’un est hétérosexuel ? Pourquoi quelqu’un est homosexuel ? Je ne le sais pas. On peut faire des théories, mais je pense que l’honnêteté scientifique c’est de dire : aujourd’hui, il y a des spéculateurs qui ont une théorie : pourquoi les gens sont pédophiles, homosexuels adultes, hétérosexuels adultes… moi je n’ai pas de théorie là-dessus. En tous cas, je pense que l’orientation pédophilique est aussi mystérieuse finalement que pourquoi quelqu’un devient homosexuel ? Pourquoi quelqu’un devient hétérosexuel ? Moi en tous cas, je n’ai pas de clef particulière. Puisqu’on ne comprend pas, on se dit : « ah oui, c’est tellement particulier, que sûrement c’est quelque chose qui fait que, hélas, cet homme — c’est souvent un homme — a été agressé dans son enfance ». Est-ce qu’on retrouve un grand nombre de cas ? Oui on en retrouve, mais dans ma longue pratique, en tous cas dans ma statistique personnelle, pas plus de la moitié. Donc au fond, parfois il y a cette histoire, qui peut évidemment fixer quelque chose un peu dans l’imaginaire, mais il y a aussi des sujets qui sont pédophiles à l’âge adulte chez lesquels on ne trouve aucune histoire de rencontre sexuelle trop précoce, quand ils étaient eux-mêmes prépubères, avec un adulte. Donc on voit que finalement, cet élément « avoir été agressé soi-même par un adulte quand on était enfant, quand on était prépubère » est un élément, bien sûr, qu’il faut rechercher systématiquement, mais qui n’est pas une explication de toute la construction du fantasme pédophilique. Et d’autre part, plus intéressant, c’est que des études statistiques ont démontré que le fait d’avoir été soi-même agressé dans son enfance n’était en aucun cas quelque chose qui était présent chez ceux des pédophiles transgressifs qui sont récidivistes. Donc c’est un élément à rechercher systématiquement, mais il ne donne pas la clef automatique de la construction du fantasme pédophilique, même si c’est un peu tentant avec une thèse de l’empreinte, non, il y en a qui n’ont pas cette histoire, et en tous cas, ça a pas non plus de valeur pronostic, c’est-à-dire au fond, ce n’est pas parce que quelqu’un a été lui-même agressé qu’il va devenir un pédophile répétitif. Finalement, on retrouve cette idée : au fond, l’être humain subit, en tous cas, ne choisit pas son « choix d’objet ». On ne choisit pas d’être homo, d’être hétéro, d’être pédo exclusivement ou pas, mais par contre, notre personnalité choisit de faire un acte ou pas, de faire du mal ou pas à quelqu’un doit on voit bien qu’il ne le voit pas.

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