Porno, pédoporno : mêmes risques ?
Magali Teillard Dirat, psychologue clinicienne au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Languedoc-Roussillon et au CHRU de Montpellier :
Les adolescents qui vont regarder du porno disent « Je sais bien que ce n’est pas vrai, que ce sont des acteurs ». Pourtant, ensuite, ils ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas être en érection pendant plusieurs heures, ils ne comprennent pas pourquoi leur petite copine n’est pas une femme fontaine, ils ne comprennent pas pourquoi ils n’ont pas réussi à refaire la position qu’ils ont vu dans le porno. Ils nous disent en surface « Je sais, ce sont des films, ça ne se passe pas comme ça dans la réalité ». Mais, n’empêche que ça leur donne une idée de ce que pourrait être la sexualité, parce que le porno vient les éduquer à la sexualité avec des idées erronées, voire déviantes. Parce qu’il faut le dire, le premier fantasme masculin recherché dans le porno, c’est de soumettre une femme, c’est d’abuser une femme, en gros, de la violer. La question du consentement, dans le porno, ne se pose pas. On n’est pas dans la pédopornographie, mais on n’en est pas loin, puisque, que ce soit pour l’enfant, la femme ou l’homme, on ne pose plus la question du consentement. Tout le monde est d’accord. Donc, dans la réalité, on ne comprend pas pourquoi l’autre se débat. Et puis, si la femme dit non ou que l’enfant dit non, ce n’est pas vrai. On l’a vu dans le porno, ils disent non mais en fait ils en ont envie.
Le porno, ça vient gommer complètement l’altérité. Si vous regardez bien du porno – pas très joli à voir – vous ne voyez quasiment jamais une personne en entier. Vous voyez des bouts de corps. Sauf pour le pédoporno, où on voit l’enfant, parce que l’enfant est chosifié. Ce n’est plus un enfant, c’est un objet. Et l’adulte, dans le porno, c’est la même chose, c’est un objet. On va s’intéresser à un bout de fesse, à un bout de pied… Du coup il n’y a plus ce rapport à l’autre, il n’y a plus cette relation à l’autre, il n’y a plus cette relation d’affection, d’intimité, où on va pouvoir communiquer, où on va pouvoir faire plaisir à l’autre. On est dans son propre plaisir, à soi, pour soi, et dans le désir d’obtenir ce plaisir-là, et on se sert de l’autre comme d’un objet. L’autre est devenu un sextoy, que ce soit pour l’enfant ou pour la personne qui est dans le porno, même si elle dit qu’elle est d’accord pour faire ça, elle est actrice, mais pour celui qui la regarde, elle est devenue un objet. Et ça, c’est important d’en avoir conscience, et pour ceux qui regardent d’en avoir aussi conscience.
L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.