Peut-on être anonyme sur internet ?
Magali Teillard Dirat, psychologue clinicienne au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Languedoc-Roussillon et au CHRU de Montpellier :
C’est très difficile d’être anonyme. Quand on parle du « Darknet », donc on va passer d’une adresse IP à une autre, pour essayer de perdre un peu les personnes. L’adresse IP, c’est l’adresse physique de votre ordinateur, de là où vous êtes. Effectivement, on arrive à détourner un peu les choses, en prenant d’abord l’adresse IP du voisin, puis d’un autre, et ça part à l’international, dans d’autres pays, pour perdre la cyberpolice, qui pourrait se dire « Oh, ça n’arrive pas à la bonne adresse IP ». Il faut se dire qu’eux aussi se sont informés, qu’ils se sont aussi formés, et qu’aujourd’hui, ils arrivent à remonter les pistes. Ils sont quand même au courant. Ça prend du temps. Parfois on se dit « C’est bon, je suis à l’abri ». Mais je peux vous dire que j’ai des patients qui sont venus consulter d’eux-mêmes… Parce qu’on a des patients qui téléchargent et qui souffrent. C’est important de le dire, parce que ça les fait souffrir cette histoire-là, ils se rendent bien compte que ça ne devrait pas se faire, mais c’est plus fort qu’eux. On a un côté un peu addictif dans le téléchargement pédopornographique. Du coup, ces patients qui viennent nous voir de manière individuelle, spontanée, pour consulter, un an plus tard, coup de fil de la police, « Monsieur, vous allez en garde à vue » pour des téléchargements qui dataient d’il y a trois ans. Ça prend du temps. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas, en France ou ailleurs, envie de se presser en disant « ce n’est pas grave ça ». Ça prend du temps, mais on y arrive. Et dites-vous bien que ça va vous poursuivre. On peut se dire « C’était il y a dix ans, c’est bon, j’ai arrêté depuis. J’ai caché mes adresses IP et s’ils ne m’ont pas pris tout de suite… » Non. Ça aussi, c’est important de le savoir, ça peut vous retomber dessus, pour la personne qui télécharge, des années plus tard.
L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.