Pédopornographie : le plaisir des enfants
Vous parliez des sourires ? Ça doit être très déstabilisant de voir des enfants sourire ou simuler un plaisir ?
Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :
Ce n’est pas compliqué de trahir l’enfant et d’abuser de lui. Vous le faites sourire avec un paquet de bonbons, vous le sodomisez dans la foulée et puis on va superposer… En plus sur internet et en video, on détourne tout. Combien d’adolescents pensent que YouPorn c’est la réalité ? Mais non ! Justement, au cinéma, il y a des gens qui traversent les murs, qui ont des supers pouvoirs, c’est un film.
Et le porno, ce n’est pas la réalité ?
C’est un film. Et la pédopornographie, c’est souvent un film. Donc c’est juste de rappeler à ces personnes que Hulk n’existait pas, c’est au cinéma ! Et donc dans la pédopornographie, mettre un sourire d’enfant, trahir complètement, c’est juste n’importe quoi. C’est une construction, en terme de représentation, qui fait écho au fantasme du pédoporno, et du coup comme il faut convoquer les spectateurs, on va donner aux spectateurs ce qu’ils ont envie de voir, ce qui colle aux fantasmes. Mais c’est une construction.
Magali Teillard Dirat, psychologue clinicienne au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Languedoc-Roussillon et au CHRU de Montpellier :
Sachez que l’abus sexuel, lorsqu’il n’y a pas de violence physique, pour un enfant, physiologiquement, c’est très confusionnant, parce qu’il a pu réagir, ils peuvent nous dire « Physiquement, j’ai eu du plaisir ». Mais psychiquement, ils sentaient bien que ça ne devait pas se passer.
C’est-à-dire, qu’il peut y avoir une stimulation mécanique ?
Oui, c’est mécanique, c’est ça le problème. D’un côté, le cerveau dit « Non, ça ne devrait pas arriver ». Mais, il y a quand même un plaisir mécanique. Ça embrouille le cerveau, il y a beaucoup de confusion, l’enfant ne sait pas où il en est. Ça pousse des gens à rechercher des images pédophiles, parce qu’ils se disent : « Ces enfants-là, qui ont l’air de ressentir du plaisir ». Pour l’ancienne victime, ça vient conforter : « C’est bon, j’avais bien ressenti du plaisir, j’avais raison ». Ça vient confirmer ce qu’ils ont pu ressentir dans l’enfance et conforter leur fantasme. Au contraire, il faudrait dire « Ok, c’est normal, c’est mécanique, mais ça n’aurait pas dû se passer, avec un adulte ».
La sexualité infantile existe, et en général, elle est autocentrée. C’est-à-dire que l’enfant va découvrir son corps, se masturber. Ça, c’est tout à fait classique. Pour autant, si c’est l’adulte qui vient initier l’enfant ou l’adolescent à une sexualité adulte, on voit bien que là, il y a un décalage énorme. Ça fait des ravages. Il faut découvrir les choses tout en douceur. C’est un peu comme si on vous disait « Première sortie, vous avez le droit de boire de l’alcool » et là, on va directement vous mettre à la vodka. Forcément, ça va faire des ravages ! Là, c’est pareil. Et en plus, on ne vous a pas dit que c’était fort. Là, il y a abus de confiance. On entend souvent « L’enfant n’a pas dit non ». Sauf, qu’on ne peut pas consentir à quelque chose qu’on ne connaît pas. Vous me faites confiance. Si je vous dis « Tenez, mangez du chocolat, c’est délicieux », parce que vous me faites confiance, vous allez le goûter, ce chocolat-là. Mais, peut-être qu’il est au piment, et ça, c’est dommage. C’est ça le problème, l’adulte va dire « L’enfant a dit oui », ou alors « Il n’a rien dit donc c’est qu’il était consentant ». Mais on ne peut pas consentir à ce genre de chose. L’enfant ne peut pas consentir. C’est important de pouvoir le dire, le répéter. Il y a beaucoup de confusion, s’ils ont vécu ce genre de chose dans leur enfance, si eux-mêmes ont été abusés…
Ils n’ont pas le recul pour se projeter à la place de l’enfant et répondre aux vrais besoins de cet enfant ?
Parce qu’eux-mêmes, étant enfants, n’ont pas eu ce recul-là. Le fait de le dire, ça les aide, mais ça ne suffit pas. Ils sont rentrés dans un processus beaucoup plus compliqué, de collection, d’addiction, et là, on est dans quelque chose de très comportementaliste. C’est-à-dire qu’il y a un vrai manque.
L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.