Pédophiles : les psys vous aident !

Quelles solutions de prise en charge existent aujourd’hui pour des personnes qui ressentent des pulsions pédophiles ? Qu’est-ce qu’ils peuvent faire ?

Ève Pilyser, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique et de l’Association de Psychanalystes et Psychothérapeutes Jungiens :

De mon point de vue, en tant qu’analyste, venir consulter. Ne serait-ce qu’une fois, pour faire un état des lieux, pour déposer leur souffrance, leur ressenti et avoir un partage bienveillant avec quelqu’un qu’ils ne fréquentent pas dans leur vie courante, et qui va les aider à faire un bilan pertinent de la situation.

Patrick Blachère, expert psychiatre, sexologue, vice-président de l’Association Interdisciplinaire post Universitaire de Sexolologie (AIUS) :

On peut très bien être un homme ou une femme, et comme sûrement beaucoup plus de gens qu’on ne croit le sont… C’est-à-dire qu’il y a entre 3 % des femmes et 15 % ou 20 % des hommes qui réagissent positivement à des stimuli pédopornographiques. Donc on peut très bien se dire « Je suis conscient que j’ai une attirance pour les enfants », choisir de ne pas passer à l’acte — et ça je pense que c’est bien —, et oser consulter un psychologue ou un psychiatre pour parler de ce type de difficulté. S’il n’est pas compétent, il vous orientera chez quelqu’un de compétent. Et les experts judiciaires, en général, connaissent forcément quelqu’un dans leur département qui sera capable d’accompagner ces femmes et ces hommes, pour être des hommes et des femmes responsables.

Ève Pilyser, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique et de l’Association de Psychanalystes et Psychothérapeutes Jungiens :

Il n’y aucune honte à venir nous voir, il n’y a aucun jugement de notre part. Nous sommes là avec toute notre bienveillance, notre empathie, pour comprendre les difficultés de l’être humain. Quelles qu’elles soient. Et celle-là en est une, ni plus ni moins.

Il arrive que des thérapeutes ne se sentent pas à l’aise avec la question ?

Oui, mais ça ne concerne pas que la pédophilie, nous avons chacun d’entre nous, en tant que thérapeutes, des zones d’ombres personnelles qui font que nous sommes plus à l’aise avec certaines pathologies ou moins avec d’autres, et nous préférons orienter vers un collègue pour lequel nous savons que ça n’est pas une difficulté. Donc nous faisons avec ce que nous sommes en tant qu’outils, nous savons que nous ne sommes pas capables de répondre de la même manière, avec toutes nos compétences, pour tout le monde. Nous en tenons compte et nous accueillons les gens avec cette même humilité.

Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :

La sexualité s’humanise tout simplement si j’en parle à quelqu’un d’autre. Ouvrons une parenthèse : la majorité de ceux que j’ai pris en charge, certains étaient passés à l’acte, d’autres non, n’avaient jamais parlé à un autre être humain de cette réalité intime qui les rendaient un peu mal à l’aise d’avoir cette orientation. Donc au fond, on peut apprivoiser la sexualité en en parlant, en l’exprimant, en devenant déculpabilisé même de la vivre de façon auto-érotique avec la masturbation, mais en s’interdisant tout passage à l’acte. « J’écoute mes fantasmes mais au fond je les contrôle », si on se met du point de vue de la société, « je les apprivoise », si on le dit de façon plus humaine.
Et plus il y a une deuxième voie, qui est plus ambitieuse et qui est intéressante. On se dit « mais pourquoi quelqu’un est scotché dans cet attrait pour un enfant ? Est-ce que ça ne peut pas évoluer ? Est-ce que finalement, pour le dire de façon simple, être pédophile dans sa tête, ce n’est pas quelque chose d’un peu régressif qui pourrait maturer, qui pourrait évoluer ? ». Et là, on l’a fait avec mon équipe, nombre de sujets qu’on a rencontré n’avaient jamais eu aucune expérience sexuelle avec une adulte, sont devenus capables, parce qu’ils étaient moins inhibés, parce qu’ils étaient moins timides, parce qu’ils ont réfléchi à ces fantasmes, parce qu’ils les ont apprivoisés… Parce qu’aussi le fantasme s’est modifié en en parlant. « Quand j’étais jeune » m’a dit un pédophile « je n’étais attiré que par les petits garçons de 9 à 13 ans, et puis après je suis devenu attiré par les adolescents, et puis par des jeunes hommes qui avaient des traits d’adolescents mais qui étaient des adultes ». Donc deuxième voie : c’est d’accompagner quelqu’un qui, quand on le rencontre, est plutôt attiré par les enfants, pour être capable d’avoir des relations amoureuses, sexuelles, affectives, relationnelles, consenties avec un adulte.

Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :

Il y a énormément de pistes de travail quand on est thérapeute, avec une personne pédophile. La première à laquelle on pense, c’est celle justement d’éviter le passage à l’acte. Quand une personne qui est pédophile se pose la question, ne serait-ce que se pose la question, de savoir si nécessairement elle va passer à l’acte, et puis si elle ressent qu’elle est proche de le faire, avoir des outils pour éviter de le faire, pour pouvoir réfréner ces pulsions-là, ça c’est quelque chose qu’on travailler avec le thérapeute.
Et puis, en amont de ça, ou à côté de ça, ou parallèlement à tout ça, il y a toute la souffrance que ça génère d’avoir une sexualité qui ne peut pas être accomplie. Parce que la plupart des personnes pédophiles ont conscience qu’un enfant souffrirait de cette sexualité, et du coup sont abstinents. Comment on vit en ne mettant pas en acte cette sexualité ? Comment on vit avec une image de soi qui est détériorée, puisque la société a un regard braqué sur soi ? Nous-mêmes on ressent cette représentation-là. Et puis, dans toutes les pistes de travail autour de l’angoisse, l’anxiété, la dépression, comment on travaille sur l’impulsivité, comment on travaille sur l’inhibition aussi, comment on va aller à la rencontre de l’autre, etc.
Mais bien sûr que les thérapeutes peuvent être disponibles pour les personnes pédophiles. C’est d’ailleurs le premier interlocuteur, bien avant la justice, puisque la justice ne va s’intéresser qu’aux personnes qui vont passer à l’acte.

Si un adolescent se sent attiré par des enfants, quand il y a vraiment une attirance pour des enfants, avec une vraie différence d’âge, est-ce qu’une prise en charge, à ce moment-là, dès l’adolescence, ça peut changer les choses ?

Oui, bien sûr.  On est d’autant plus souple à ce moment-là, parce qu’on est en phase de construction. Donc plus tôt on va s’y prendre pour mettre au travail ses fantasmes et ses attirances, et plus tôt on aura des résultats sur le développement de la sexualité. Donc dès l’adolescence, bien sûr, consultez des pédo-psy, psychologues, pédopsychiatres.

Est-ce qu’il y a un âge où c’est trop tard ? Ce n’est plus possible ?

Non, il n’y a pas d’âge de péremption pour les prises en charge. Il est toujours temps de s’y mettre. Donc il ne faut pas hésiter à consulter, quoiqu’il arrive.

Brigitte Allain Dupré, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA) :

Je crois que c’est très intéressant aussi de sentir et de savoir que nous les psys, on peut être consultés d’une manière, j’appelle ça « généraliste ». C’est-à-dire qu’on vient avec un problème, ça veut pas dire qu’on va commencer une thérapie ou une psychanalyse de 6 ans ou je ne sais combien, mais qu’on vient poser un problème, on vient en parler et on peut justement s’en libérer, entendre une parole bienveillante.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

Un autre moyen pour solliciter des ressources de soin, c’est d’aller interpeler le Centre Ressource pour les Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles, le CRIAVS de sa région, puisque dans chaque région il y a un ou plusieurs CRIAVS, ou des antennes de CRIAVS. Il y a des professionnels compétents qui pourront vous orienter, orienter les personnes qui sont en souffrance, vers des psys qui ont été formés et qui sont en capacité d’accueillir cette souffrance et cette demande.

Et donc le thérapeute ne va pas appeler la police parce qu’il a en face de lui quelqu’un qui ressent de l’attirance pour les enfants ?

Ce n’est pas parce qu’on a une attirance pour les enfants qu’on se retrouve en prison. Ce n’est pas un crime d’être pédophile, de souffrir de pédophilie, ce n’est pas un crime, ce n’est pas un délit.
Par contre quand on viole les enfants c’est un crime, c’est un délit.

Walter Albardier, médecin psychiatre au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles Ile-de-France (CeRIAVSIF) :

Il est aussi envisageable aujourd’hui d’avoir des traitements médicamenteux qui diminuent un petit peu l’envahissement. Des traitements, qui diminueraient un peu l’envahissement fantasmatique, et l’envahissement par ce genre de problématique.

Cela peut être une solution pour qui ? Les gens qui se sentent dépassés par ce qu’ils ressentent ?

Oui, ça peut être une solution pour les gens qui se sentent dépassés par leurs fantasmes, par leur attirance, qui sont parfois gênés, handicapés socialement, qui ne peuvent plus sortir de chez eux, qui sont très ennuyés par tout cela, qui se sentent débordés, en difficulté pour se gérer. Et donc on a des solutions qui peuvent être médicamenteuses, de prise en charge psycho-thérapeutique… Alors pour cela, il faut venir taper à la porte d’un centre de soins qui soit à l’écoute de ces personnes.

Brigitte Allain Dupré, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA) :

Moi je connais des personnes et qui se sont obligées à toujours prendre leurs vacances en dehors des périodes de vacances scolaires des enfants pour ne pas tomber dans des hôtels où il y a des enfants, pour ne pas aller au ski en même temps que les enfants, etc. De s’interdire, de se mettre un carcan parce qu’ils étaient terrifiés à l’idée de tomber aux Assises, en fait. Et donc je crois que c’est très important de souligner que cette pulsion pédophile part d’une fragilité psychologique qu’on peut aller, évidemment, très bien parler à un thérapeute ou à un analyste qui va vous féliciter de votre démarche ô combien nécessaire et courageuse : « bravo ! ».

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.