Maternité et sexualité

Brigitte Allain Dupré, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA) :

Il y a quelque chose de très intéressant quand on étudie la manière dont se vit la relation entre une mère et son bébé : c’est plein de tendresse, c’est plein de gestes érotiques qui ne sont pas sexualisés, normalement. Et il y a des mères blessées dans leur histoire, pour qui ça devient excitant. Et donc, soit elles ne peuvent plus toucher leur enfant parce qu’elles ont peur, en effet, de dépasser quelque chose qu’elles ressentent comme malfaisant, soit elles délirent avec lui dans ce passage à l’acte sexuel, comme si c’était normal. Et moi j’ai eu dans mes consultations des femmes qui sont venues me dire : « – Je ne peux pas l’allaiter parce que ça m’excite trop.
– Très bien Madame, biberon ! – Il y a des moments où je suis seule avec lui, où ce petit sexe, j’ai envie de le lécher. – Bon, parlons-en, qu’est-ce qu’on pourrait penser de cette soif, de cette faim de votre bébé, que vous ne pouvez pas exprimer autrement que dans quelque chose qui est déjà trop sexualisée ? ».

Il y a une chose importante, là. Vous dites que des femmes viennent vous parler sans honte ?

Alors ce qui est très intéressant, c’est qu’elles ne sont jamais venues d’abord pour cette raison-là. Elles sont venues d’abord avec un autre argument, et puis derrière, en fait, il y avait cette montagne-là.

Mais alors pourquoi est-ce que très peu de femmes sont condamnées pour des abus sexuels sur les enfants ?

Parce qu’il y a une telle proximité entre les gestes de tendresse et la perversité de l’abus sexuel sur enfant, que ce n’est que quand les enfants sont adolescents ou adultes qu’ils commencent à parler, qu’ils commencent à pouvoir dire qu’il y avait, comme disait un grand psychanalyste Ferenczi, un ami de Freud, il a parlé de « la confusion des langues ». Il y avait un langage sexué qui était parlé à un enfant, qui avait besoin du langage asexué de la tendresse. Et puis moi j’ajouterai aussi que dans notre for intérieur, il y a une représentation de la mère qui est parfaite. En plus nous, on habite et on vit dans une culture judéo-chrétienne ou cette Vierge Marie – dont on pourrait dire beaucoup de choses, d’ailleurs – est le modèle de la madonne généreuse…

Tout en étant vierge.

Tout en étant vierge. Et puis en deçà de cela, nous avons les grandes déesses mères qui ont été les fondatrices de notre culture, autant bien avant la préhistoire, et dans la préhistoire, et donc cette capacité de porter l’enfant dans son ventre donne à la femme une espèce de légitimité et d’intouchabilité, alors que des mères perverses il y en a, des mères sadiques il y en a, des mères incestueuses il y en a, et des mères complices de la perversité du père ou du beau-père, ô combien il y en a.

Et ils ne se rencontrent pas par hasard.

Èvidemment, évidemment.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.