Les phases de l’enfance selon Freud

Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :

Alors, il y a plusieurs phases, y a ce qu’on appelle… Alors c’est Freud qui a inauguré un petit peu cette question de la sexualité de l’enfant, parce qu’auparavant, c’était quelque chose qui était tout à fait tabou, et donc il y a plusieurs phases, aujourd’hui on les reconnait toujours : il y a cette fameuse phase orale, qui existe pendant la première année, où l’enfant va développer comme zone érogène la zone buccale, en associant l’affection de la mère et le fait de satisfaire le besoin de manger.

Donc c’est la tétée ?

C’est la tétée, exactement. On va passer au stade anal vers 2, 3 ans où l’objet sera plutôt le boudin fécal, donc on va avoir toute une érotisation au niveau de la marge anale qui va permettre à l’enfant d’appréhender une dialectique entre passif/actif, retenir/expulser.

C’est ça, il apprend à retenir, parce qu’il a plus de couches et donc il va apprendre à aller sur le pot ?

Voilà, exactement. Mais tout ça engendre l’apprentissage qui est lié à cette chose qui est concrète de « aller sur le pot/pas sur le pot », c’est quelque chose qui va être abstraite et qui va pouvoir être mis en œuvre dans la relation avec autrui. C’est aussi à ce moment-là que l’enfant fait tomber la cuillère, et regarde si le parent va pas la ramasser, et donc il va commencer à se rendre compte qu’il peut contrôler en fait son environnement.

Manipuler ou contrôler ?

Manipuler, il y a l’intention qui va avec. On va plutôt parler de contrôler dans un premier temps. Arrive le stade phallique, un peu plus tard, donc après l’âge de 3 ans, où là, le garçon va découvrir son sexe, la différence des sexes, les filles et les garçons, le garçon va appréhender l’angoisse de castration, c’est-à-dire la perte de son phallus, et la fille va se rendre compte qu’elle a un manque. Alors c’est comme ça que Freud – depuis, effectivement, on peut se poser la question de savoir si ça c’était pas très stéréotypée en fait comme approche du monde – en tous cas, on est resté un peu sur cette idée de la phase phallique qui aboutit à l’Œdipe. Et alors là, l’Œdipe, vers 5, 6 ans, c’est l’émergence d’un début de génitalisation, c’est-à-dire que là on va vraiment rentrer dans une séduction avec le parent opposé. Alors il n’est pas question de passer à l’acte, bien sûr, pour l’enfant, qui est dans une relation de tendresse dans son langage, mais l’enfant va chercher à séduire le parent opposé qui, s’il est bienveillant, s’il est dans son rôle éducateur,‡ va lui opposer l’interdit de l’inceste, et de là va naître chez l’enfant la construction et l’internalisation de l’interdit d’une manière générale. C’est-à-dire qu’avant tout était possible, tous les désirs pouvaient être réalisables, tout de suite d’ailleurs, et puis à partir de ce moment-là, on intègre que « j’ai des limites et que tout ce que je veux ne pourra pas forcément advenir ».

La frustration ?

La frustration. Et c’est une phase extrêmement importante, et c’est pour ça que c’est très très important que le père ou en tous cas le rôle paternel – il peut être tenu par la mère aussi – soit très fort, c’est-à-dire qu’il faut vraiment qu’il y ait une personne qui marque cet interdit-là.
Et là, on va rentrer dans cette fameuse période de latence, où justement les désirs vont s’éteindre, ou du moins ils vont se sublimer, c’est-à-dire qu’ils ne vont pas être réalisés du côté du sexuel ou de la sexualité, ils vont être réalisés du côté des grands apprentissages, et on va pouvoir s’intéresser à la sociabilisation, à l’école… etc. avant que la puberté réveille à nouveau les conflits œdipiens.
Donc le sexuel accompagne l’enfant tout au long, la sexualité, elle, n’arrivera que bien plus tard.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.