La sexualité des enfants

Est-ce que l’enfant a une sexualité ? Est-ce qu’il a des désirs ? Est-ce qu’il a des fantasmes ?

Ève Pilyser, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique et de l’Association de Psychanalystes et Psychothérapeutes Jungiens :

Mais bien sûr, comment être vivant, sinon ? Bien sûr ! L’enfant a une sexualité mais elle n’est pas génitale, c’est toute la différence. Elle est immature, elle est prépubère, elle est prégénitale, elle est polymorphe.

Ça veut dire quoi ?

C’est-à-dire qu’elle prend des formes très différentes. Et elle est surtout basée dans la sensorialité.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

Déjà, d’un point de vue purement mécanique et ça on le sait, les petits garçons, c’est facile à voir, peuvent avoir des érections assez tôt, ça c’est purement mécanique et donc ça fait bien écho à quelque chose de l’ordre du sexuel. Les petites filles aussi mais c’est plus compliqué à repérer. Et puis ensuite l’enfant va être rattrapé par des stimulations qui viennent de l’intérieur, des excitations qu’il a du mal à repérer et à nommer. Donc il y a quelque chose qui va s’organiser sur un mode exploratoire. Mais ce n’est pas la sexualité au sens de la représentation qu’en ont les adultes « je te prends, je te pénètre, machin… », on n’est pas là. La question du sexuel elle se joue à l’enfance sur d’autres modalités, qui sont à la fois beaucoup plus archaïques et beaucoup plus simples. Où il n’y a pas besoin d’aller, j’allais dire « traverser son partenaire ». Ce n’est pas ça l’enjeu. C’est de découvrir son propre corps, de pouvoir canaliser ses excitations, de pouvoir repérer que ça se joue avec l’autre et que c’est encore plus rigolo, que c’est encore plus intéressant quand on va rencontrer l’autre sur la question du sexuel.
Et tout ça, ça s’élabore et ça se construit mais pas comme on se le représente, les adultes. C’est pas, encore une fois j’insiste, dans une inter-pénétration, on n’est pas là-dedans. On est dans une découverte, on est dans une exploration.

Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :

Il y a une petite naissance de cette génitalité au moment de l’Œdipe.
C’est cette période qui arrive à peu près entre 5 et 6 ans pour les enfants et où va se jouer une séduction de l’enfant à l’égard du parent du sexe opposé. Et c’est là où les petites filles vont vouloir se marier avec leur père, les petits garçons avec leur épée vont vouloir enlever leur mère et l’emmener dans leur château. Et quand tout se passe bien, la phase œdipienne se clôt par l’interdit de l’inceste, précisément. C’est-à-dire que le parent du sexe opposé va faire comprendre à l’enfant que lui, il devra vivre son amour et sa sexualité avec les pairs, c’est-à-dire avec les personnes de son âge, à l’extérieur de la famille et plus tard. Il devra différer ce désir-là. On va entrer à ce moment-là dans une période qui est extrêmement importante qui s’appelle la période de latence et justement qui signe en tous cas l’éteinte de ces désirs qui sont très bruyants au moment de l’Œdipe et où justement on va différer ces désirs pour qu’ils renaissent à nouveau au moment de l’adolescence. Et quand je dis que cette période de latence elle est très importante, c’est parce qu’elle va servir à d’autres choses. Toutes les pulsions sexuelles qui étaient là au moment de l’Œdipe vont devoir être sublimées. Sublimées ça veut dire qu’il va falloir les exprimer différemment, c’est-à-dire pas dans la sexualité, mais elle vont être exprimées dans des grands apprentissages à ce moment-là : l’apprentissage de la sociabilité, l’apprentissage cognitif. On va s’investir à l’école, on va apprendre de nouvelles choses et puis on va rentrer en relation avec les autres, avec ses pairs.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

Au moment des règles pour les petites filles, c’est un moment important, qu’il faut accompagner d’explications sur la question de l’accès potentiel à la maternité. Pour les garçons, autour de la masturbation, de l’éjaculation, de la relation à venir aussi avec d’autres partenaires, de pouvoir expliquer potentiellement la question de la parentalité, de la paternité qui se joue. Et puis toujours accompagner, mais en terme de prévention de manière bienveillante, sans jamais faire intrusion.
Donc oui, il y a la question de la sexualité qui se pose dès l’enfance, oui elle nécessite d’être accompagnée par les adultes, mais chaque fois avec les bons mots, sans geste – on n’a pas à mettre des gestes dans la sexualité de l’enfant – les bons mots, les bonnes explications, pour permettre à l’enfant d’intérioriser, de comprendre et de mettre du sens sur ce qu’il traverse.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.