Initiation sexuelle des enfants
Qu’est-ce qu’on doit penser des jeux que l’on pourrait appeler « d’initiation sexuelle » entre adolescents et enfants ?
Ève Pilyser, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique et de l’Association de Psychanalystes et Psychothérapeutes Jungiens :
Initiation ça ne veut rien dire. Il y a apprentissage mutuel quand les deux enfants sont tous les deux du même âge et consentants. Il n’y a pas d’initiation possible de la part d’un adolescent, d’un adulte ou même d’un enfant qui soit plus grand, envers un autre enfant. Ça ne veut rien dire. C’est de la perversion de la pensée que de l’imaginer comme tel.
Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :
L’initiation sexuelle est une rationalisation. C’est-à-dire que quand si on commence à imaginer que des plus grands viennent initier les plus petits, on est juste en train de justifier des agressions pédosexuelles. C’est tout. Donc il n’y a pas d’initiation sexuelle de plus âgés, de plus anciens, vers des plus jeunes. Il y a potentiellement des jeux exploratoires sexuels entre pairs. Et les adultes viennent poser la limite, mais ils ne viennent pas augmenter l’excitation des plus petits. Et un plus grand qui vient appuyer sur les boutons, il va augmenter l’excitation sexuelle, le désarroi des plus petits, il ne vient pas dire « C’est bien, c’est mal ».
Donc c’est une agression sexuelle ?
Un adolescent de 14, 15 ans qui vient tripoter une petite fille de 6 ans c’est une agression sexuelle, oui.
Et dans ces jeux d’adolescents qui vont montrer comment ça fonctionne le zizi d’un garçon adolescent à un plus petit, c’est aussi une agression sexuelle ?
Les 13, 14 ans qui viennent comme ça sortir le zizi, masturber, fellation, machin, c’est totalement inadapté.
Roland Coutanceau, psychiatre, psychanalyste, psychocriminologue, expert national, président de la Ligue Française pour la Santé Mentale :
Il y a le plaisir de se frotter, de se toucher, même de se mordiller chez le prépubère. Par contre, quand on a passé la révolution pubertaire, on est dans une autre sexualité. Je dirai même pour être tranchant : on est déjà dans la sexualité adulte, en ce sens pour moi, la dissymétrie c’est pubère/non-pubère, ce n’est pas le même monde mental. Le non-pubère ne veut pas – quoique veuille lui faire croire celui qui est pubère – vivre les mêmes choses, ce n’est pas organisé, la sexualité, de la même manière.
Donc vous voyez, pour le dire mieux, ce n’est pas l’adulte et le prépubère. C’est qu’au fond, même quand il n’y a que deux ans entre un garçon de 13 ans et une fille de 11 ans non-formée, ce n’est pas le même monde, c’est déjà une agression de prépubère.
Brigitte Allain Dupré, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA) :
Ça n’est pas vrai qu’un adolescent pubère tripotant un enfant impubère est sans conséquence. Que deux adolescents pubères se tripotent gentiment, deux enfants également, mais je crois que c’est la différence de développement sexuel qui marque vraiment l’acte traumatique.
La vision, en particulier, du pénis du garçon adolescent pubère en érection avec tout son système pileux qui commence à se développer est un trouble pour l’enfant. C’est un trouble. C’est incompréhensible. Lui, il a un tout petit machin, de temps en temps en érection, mais c’est ses affaires, et tout d’un coup il se retrouve en face de cette monstruosité. Je pense que l’initiation elle vient beaucoup plus de la découverte du corps de l’autre entre petit garçon et petite fille, entre adolescent et adolescente.
Moi je suis très frappée aujourd’hui du nombre d’adolescents qui m’ont raconté qu’avec leur copine de classe ils dormaient ensemble, sans sexualité, mais dans cette espèce de proximité un peu tendre et un peu platonique en fait, mais que ils savaient qu’ils se réservaient pour le grand jour, et que le grand jour n’était pas encore venu. Et je trouvais ça assez formidable. Moi je n’ai pas été élevée comme ça et j’aurais bien aimé.
L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.