Images pédophiles : du virtuel au réel

Magali Teillard Dirat, psychologue clinicienne au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Languedoc-Roussillon et au CHRU de Montpellier :

On a tendance à minimiser, à banaliser, en disant « Ce ne sont que des images ». Il ne faut pas oublier que derrière il y a des enfants. C’est exactement la même chose que dans la réalité. Le virtuel, ce n’est pas opposé à la réalité. Ce sont juste deux choses différentes et on a tendance à différencier virtuel et non pas réel mais actuel. C’est-à-dire que le virtuel, c’est quelque chose qu’on peut voir, c’est votre imaginaire, c’est ce que vous allez imaginer, c’est votre fantasme. Donc, là, le virtuel numérique, on peut imaginer, c’est le fantasme numérique de ce monsieur – ou de cette femme, parce qu’il peut y avoir aussi des femmes, et donc, c’est leur fantasme à eux. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas réel. C’est juste que ce n’est pas actuel, pour l’instant. Ça va pouvoir devenir, à un moment donné, réel. Et les personnes qui téléchargent aujourd’hui, ne sont pas à l’abri d’avoir, un jour, des rapports sexuels avec un enfant, dans la réalité. D’ailleurs, ça va le favoriser, forcément. On imagine bien que ça va leur amener une sorte de banalisation au niveau de la sexualité infantile. À force de voir toutes ces images, on se dit « Oui, ça doit pouvoir se faire aussi avec les enfants, d’ailleurs ils ont l’air d’apprécier ça, ils sont plutôt souriants, ils ont l’air d’aimer ça ». Donc, ça vient justifier ce que l’adulte recherche quand il regarde ces images. C’est que l’enfant a bien une sexualité, qu’il existe une sexualité infantile, qui est possible avec l’adulte, et donc ça va pouvoir venir justifier ces actes, qui vont pouvoir passer dans le réel.

Ça peut inciter à un passage à l’acte ?

Ça peut tout à fait inciter à un passage à l’acte. C’est comme n’importe quelles images, vous allez finir par penser, à force d’être dans le virtuel, que ça peut être réel. Et que du coup, dans un moment de fragilité… Vous vous mettez quand même des barrières. Vous regardez un film, à la télévision, même s’il est violent, pour autant, vous n’allez pas sortir et tuer tout le monde. Même quand vous regardez beaucoup de films violents. Ça, c’est réel. Sauf qu’il y a quand même des limites, au niveau psychique, qui vont être franchies à un moment donné, à un moment donné où vous êtes un peu fragiles, où vous allez franchir ces limites. La personne qui télécharge peut rester dans ce monde virtuel pendant un moment. On a même des patients qui restent des années dedans, mais qui, pour autant, restent fragiles sur la question. La question de la dangerosité, quand même, n’est pas à exclure. Je ne vais pas dire que tous les sujets qui téléchargent vont, un jour, passer à l’acte. Mais, en tout cas, ils auront quand même plus de chance de passer à l’acte qu’une personne qui n’a pas téléchargé d’images pédopornographiques, ça c’est clair. Et ça peut effectivement venir justifier les fantasmes déviants: à force de voir toutes ces images, à un moment donné, on a du mal à faire la séparation entre virtuel et réel. C’est ça, le problème.

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