Famille incestuelle : quels signes ?

Violaine Chabardes, adjudante-Chef, commandant la Brigade de Prévention de la Délinquance Juvénile (BPDJ) de Lyon, Gendarmerie nationale :

Dans certaines familles il y a des dysfonctionnements. Il y a des choses qui se mettent en place, qui font que même s’il n’y a pas d’agression, il y a au moins un climat qui est soit malsain soit incestuel soit incestueux… C’est-à-dire que voilà, c’est un peu flou.
C’est embrasser un enfant sur la bouche, c’est dormir avec l’un ou l’autre des enfants, prendre le bain avec eux, avec des séparations entre adultes et enfants qui ne sont pas très claires et nettes.

Ève Pilyser, psychologue clinicienne, psychanalyste jungienne, membre de la Société Française de Psychologie Analytique et de l’Association de Psychanalystes et Psychothérapeutes Jungiens :

L’inceste est un acte subi et très dommageable mais il y a des personnes qui n’ont jamais subi d’inceste et qui éprouvent les mêmes souffrances et qui sont dans la même problématique que des personnes qui l’ont subi. Nous appelons cela un climat, une ambiance incestuelle. C’est-à-dire des personnes qui vivent au quotidien, dans leur enfance, pendant longtemps et de manière répétée des regards, des paroles, des gestes qui sans être incestueux, sont déplacés. Des situations, des mises en situation qui les rendent témoins ou complices de choses qui sont à valeur incestueuse, même s’il ne s’agit pas d’inceste avéré.

Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) :

L’incestuel c’est l’absence de porte à la salle de bain, l’absence de porte dans les toilettes, où il y a plus d’espace d’intimité pour l’enfant. Du coup il y a effraction de l’adulte dans l’intimité de l’enfant, et là on est en train de jouer quelque chose de l’ordre de l’incestuel. L’inceste se joue le plus souvent dans la généalogie au niveau vertical, d’une génération à l’autre, mais il y a aussi des formes d’incestes adelphiques, à l’horizontal, entre frères et sœurs, entre cousins et cousines, dans la même génération.

Violaine Guérin, endocrinologue et gynécologue, présidente de l’Association Stop aux Violences Sexuelles :

Le lit conjugal par exemple, c’est vraiment un symbole de la sexualité, donc bien entendu on ne doit pas mettre ses enfants dans le lit conjugal. Un enfant, au maximum à cinq ans, est autonome. Il doit être autonome dans la salle de bain, il doit être autonome dans les toilettes, au plus tard à l’âge de cinq ans. Et toute habitude familiale qui fait qu’on ne va pas frapper, ne serait-ce que frapper pour entrer dans la salle de bains, qui parfois dans certaines familles est un vrai endroit de courant d’air, tout le monde passe, pas de respect par rapport à la nudité, qui est certes saine, mais il y a des moments où quand on se lave par exemple, et bien on est avec nous-mêmes et on doit être dans un espace d’intimité. Donc il y a des familles où ce cadre n’existe pas, il y a des familles où on laisse la porte des toilettes ouverte, ce qui sont des équivalents d’exhibition et de pas bonnes conscientisations des cadres de référence de l’intimité. Donc les parents, normalement, devraient apprendre à leurs enfants ces bons cadres de référence, mais quand ils ne les ont pas eux-mêmes, c’est compliqué.

Cécile Miele, psychologue et sexologue au Centre Ressources pour Intervenants auprès d’Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Auvergne et au CHU de Clermont-Ferrand :

C’est important de respecter l’intimité de l’enfant. En toute normalité, c’est-à-dire s’il se développe bien, à un moment donné, lui-même va vouloir que sa nudité reste intime et va vouloir ne plus être confronté à la nudité de l’autre. Et en fait, je crois que le plus important c’est ça, c’est de veiller à être respectueux de cette demande-là. C’est-à-dire l’entendre et ne pas dire : « C’est bon tu sais, on s’est toujours vu tout nu », banaliser, « j’en ai vu d’autres » etc. Non, pas du tout. Quand l’enfant commence à vouloir fermer la porte à clef de la salle de bains ou à vouloir ne plus être confronté à la nudité du parent… etc. Il faut – et alors là, très rigoureusement – respecter ces demandes-là et y être attentif. C’est-à-dire que pour les respecter, il faut encore les entendre. Et là, parfois, la culture passe par-dessus, c’est-à-dire que lorsque « normalement » on est tout nu… Quand je parle de culture, je parle de la culture dans le pays mais aussi la culture familiale. Il y a des familles où on est tout nu tout le temps. Quand on est dans cette culture-là, on n’entend pas forcément le besoin de l’enfant. Il faut y veiller, c’est extrêmement important.

Sinon ça peut troubler l’enfant ? C’est-à-dire qu’il ne va pas comprendre où sont les limites ?

C’est pas qu’il ne va pas comprendre où sont les limites, c’est qu’on ne va pas respecter les siennes, et ça c’est une intrusion, c’est déjà une violence d’une certaine manière.

Violaine Chabardes, adjudante-Chef, commandant la Brigade de Prévention de la Délinquance Juvénile (BPDJ) de Lyon, Gendarmerie nationale :

Et pour autant, tous ceux qui ont vécu dans cette atmosphère n’appliquent pas la même situation à leurs enfants. D’autres au contraire, puisqu’ils l’ont vécu, vont être beaucoup plus prudents avec leurs enfants, et au contraire ils vont respecter l’intimité de cet enfant au maximum.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.