Éducation, Information, Sensibilisation, Prévention : la solution ?

Odile Verschoot, psychologue clinicienne en milieu pénitentiaire, présidente de l’Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs d’Agressions Sexuelles (ARTAAS) :

Tous ceux qui vont faire de la prévention dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées, racontent que à chaque fois, il y a un enfant, un jeune, qui par son comportement ou sa parole les amènent à en conclure que il fait bien l’objet de ce qu’ils viennent prévenir. C’est-à-dire qu’il y a un enfant qui est victime, un ou des enfant, ils le repèrent.

Statistiquement il y en a plein, dans chaque établissement scolaire. Mais ils en repèrent un à chaque fois qu’ils vont faire une sensibilisation ?

Oui. Alors à la fois ils le redoutent parce que il faut gérer, surtout que c’est souvent très groupal, c’est toute une classe voire tout un niveau de classe. Donc à la fois ils le redoutent mais en même temps s’ils font de la prévention c’est aussi pour susciter de la parole.

Donc il faut multiplier ces sensibilisations ?

Il faut vraiment que ce soit abordé dans tous les pans de la vie de l’enfant et des jeunes pour que ça crée l’opportunité de l’exprimer, par une agitation corporelle, par un mal-être palpable, par une parole ou par des indices qui sont envoyés non-gratuitement et l’enfant ou le jeune va, je l’imagine, espérer que la balle va être attrapée au bond. Il envoie des messages, qui sont codés le plus souvent. Donc plus c’est abordé dans les différents espaces de vie, plus ça crée d’opportunités de le dénoncer et d’exprimer sa souffrance.

Violaine Chabardes, adjudante-Chef, commandant la Brigade de Prévention de la Délinquance Juvénile (BPDJ) de Lyon, Gendarmerie nationale :

Il faut beaucoup de professionnels qui puissent travailler sur cette problématique. Former les gens, travailler en réseau, en partenariat, c’est important. Nous-mêmes, en Gendarmerie, on travaille en partenariat avec les médecins, les assistantes sociales, avec des gens qui sont au cœur du terrain et qui peuvent nous apporter des éléments, comme nous on peut leur apporter aussi notre expérience, et c’est ce qui fait que le combat est positif. En tout cas il faut favoriser la parole des victimes, c’est important.

Tristan Renard, sociologue au Centre Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Midi-Pyrénées :

Assumer collectivement la question de la sexualité de l’enfant, ça veut dire qu’il faut parler de l’éducation de la sexualité. L’éducation à la sexualité, ce n’est pas — comme cela a été fantasmé à certains moments, par certaines associations —, l’idée qu’il faudrait apprendre aux enfants à avoir des rapports sexuels ou autre, mais c’est l’idée en fait de parler de la sexualité, parler de « qu’est-ce que c’est la sexualité ? » et pas seulement d’un point de vue biologique ou négatif. Autrement dit : les spermatozoïdes, les gamètes, etc. ou encore la question du SIDA. C’est un peu les cours de biologie au collège. Mais je pense que c’est important de parler de la sexualité sur, par exemple : qu’est-ce que c’est que le consentement ? Qu’est-ce que ça veut dire : avoir une relation amoureuse ? C’est quoi une relation sexuelle ? Non pas pour imposer des normes, mais pour que les adultes parlent de ça, et pour éviter des choses qui s’apprennent souvent de manière très informelle, et parfois aussi violente. Autrement dit, la sexualité chez les jeunes, chez les adolescents, chez les jeunes adultes, c’est quelque chose qui pose plein de questions identitaires, plein de questions d’estime de soi, etc. Alors c’est pareil pour les adultes, mais je pense que c’est plus marqué pour les enfants.
Il y a une telle importance sur la question des violences sexuelles sur mineurs, que je trouve étonnant le fait qu’on n’ait pas mis en place des dispositifs pour éduquer à la sexualité. Parce que les violences sexuelles, ce n’est pas juste dénoncer les faits, c’est aussi les prévenir. Et prévenir les faits de violence sexuelle, c’est éduquer les gens à refuser. Comment on refuse quand quelqu’un est trop insistant, par exemple ? Il y a des techniques pour ça. Comment on sait que là, il y a une forme de contrainte ? Comment on sait que c’est illégitime, par exemple dans des rapports hiérarchiques, d’imposer une sexualité ? Même s’il y a une forme de contrainte douce ? Parce qu’évidemment, dans les violences sexuelles, ce n’est pas uniquement de la violence physique, c’est de la violence aussi psychologique : des formes de pression douce. Il faut – éduquer les gens à ça. Et éduquer, ce n’est pas au sens militaire du terme, ce n’est pas dire « C’est comme ça » ou « Ce n’est pas comme ça », mais c’est au moins faire parler les gens. Même collectivement, réfléchir à ces questions. Un échange.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.