Castration chimique : la solution ?
Tristan Renard, sociologue au Centre Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) Midi-Pyrénées :
D’un point de vue sociologique, ce qui est intéressant, c’est que d’une part, de dire que ces traitements ne concernent pas que des gens qui ont commis de violences sexuelles, ça peut être pour d’autres formes de problématiques, mais c’est de montrer que dans la sphère politique et publique, y a eu une focalisation là-dessus. Certains députés ressortent régulièrement, dès qu’il y a un fait divers, l’idée qu’il faudrait automatiquement donner un traitement anti-hormonal aux personnes qui commettent des actes de violences sexuelles. C’est évidemment complètement fantasmé. C’est-à-dire que c’est l’idée que toutes les personnes qui commettent des actes de violences sexuelles obéissent à des pulsions. Or, les psychiatres là-dessus le montrent, mais aussi les sociologues, quand on s’intéresse à la dimension collective, ce n’est pas une question de pulsion, c’est aussi une question de représentation sexuelle, de représentation sociale, de normes sociales, de structures familiales, de structures conjugales, de structures professionnelles.
Odile Verschoot, psychologue clinicienne en milieu pénitentiaire, présidente de l’Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs d’Agressions Sexuelles (ARTAAS) :
On parle de castration chimique ?
Expression Ô combien redoutable et fausse. La castration à ma connaissance c’est quelque chose d’irréversible. Quand elle est médicamenteuse, elle est réversible, donc on n’est pas dans le champ de la castration. Je trouve que ce terme est aussi extrêmement maladroit puisqu’il vient du côté de la privation. Un médicament ce n’est pas fait pour priver quelqu’un, un médicament c’est fait pour aider à mieux vivre et pour soigner. Donc un médicament il n’a pas de visée sécuritaire, sinon on a des souvenirs épouvantables de régimes totalitaires qui utilisent la médecine et ses moyens pour soumettre. Dans nos pays occidentaux où chacun a ses droits, même s’il a transgressé ceux des autres, il est hors de question d’utiliser les moyens médicaux et donc les médicaments à des fins de répression ou de privation. Les médicaments, ils servent à aider à mieux vivre. Donc l’hormonothérapie a cette visée-là, et comme tout médicament, s’applique à certaines personnes et pas du tout à d’autre.
Concrètement c’est quoi ? Ça fait quoi ?
Alors, je ne suis pas psychiatre, je n’en prescris pas, mais mes patients m’en parlent.
Concrètement…
Ça les aide ?
Ça les aide. Certains sont très envahis de fantasmes et ne trouvent pas, je dirais, un petit centimètre carré de pensée…
C’est invivable, quoi.
C’est invivable parce que ça prend toute la place. L’hormonothérapie va baisser l’activité hormonale, et donc va réduire ce qui alimente le fantasme, et va donc laisser un peu de place pour penser. On ne peut pas accéder à du soin et à de la réflexion sur soi sans un tout petit espace de possibilité de pensée.
Ça ne se fait jamais sans qu’il n’y ait une prise en charge thérapeutique ?
Ça ne devrait jamais se faire sans qu’il n’y ait une prise en charge thérapeutique. On est plus dans l’éthique du soin ou dans la conception du soin que dans une obligation légale. Toutes les techniques de soins que l’on connait, dans notre monde occidental, on les utilise. C’est-à-dire qu’on a des moyens. Certains moyens vont être très efficients pour certaines personnes et pas du tout pour d’autres, donc on a du choix.
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