Caresses et câlins des enfants : de la tendresse à l’abus sexuel

On parle de violence sexuelle, On parle d’agression sexuelle… Est-ce que dans les faits, c’est toujours violent et agressif ?

Violaine Chabardes, adjudante-Chef, commandant la Brigade de Prévention de la Délinquance Juvénile (BPDJ) de Lyon, Gendarmerie nationale :

Non, justement. Je pense profondément que c’est pour cela que les enfants ne parlent pas, parce qu’ils ont des difficultés à savoir s’il s’agit d’une agression, tout du moins au départ, ou si c’est quelque chose qui les met mal à l’aise, mais le geste n’est pas forcément violent comme nous on peut l’interpréter.

Une caresse d’un cousin, d’un voisin, qui aime vraiment l’enfant et que l’enfant aime. La main est au mauvais endroit, mais il y a de la douceur… C’est quand même quelque chose de violent, quelque chose d’interdit ?

Bien sûr, sauf que l’enfant ne va pas forcément le reconnaître, à l’instant précis, comme une agression. C’est souvent plus tard qu’il se dit que la chose n’était pas forcément adaptée. Mais au départ, justement, rares sont les actes de violence physique. Ça va être une agression, ça va entrer dans l’intimité de l’enfant, mais lui ne va pas le sentir de telle façon. Souvent, en plus, c’est accompagné d’un vocabulaire qui va jouer sur les sentiments ou qui va dédramatiser la scène. L’auteur va souvent lui dire : « C’est normal, tout le monde fait ça », et peut-être « Je t’aime » ou « Tu es la plus belle ». L’enfant est un peu perdu, il ne sait plus où il en est. Il ne ressent pas, en tout cas au moment de l’acte, cela comme une agression.

Mais c’est une agression…

Bien sûr, c’est une agression. Et quelle agression, puisqu’on a des répercutions traumatisantes sur cet enfant, parfois des années, voire plusieurs décennies après les faits. Je dis toujours que c’est une bombe à retardement pour cet enfant qui, au fur et à mesure, va se rendre compte de l’acte qu’il a subi.

Donc, finalement, pour la victime, c’est à partir du moment où il y a un malaise ?

C’est ça, c’est comme cela qu’il le reconnaît. Il sent qu’il y a quelque chose qui n’est pas normal, mais il a du mal à savoir ce qu’il en est.

C’est une question d’intimité ?

Tout à fait, c’est une question d’intimité. Quand on auditionne les enfants, on se rend compte que le traumatisme n’est pas toujours proportionnel à l’acte, ou en tout cas à la qualification pénale de l’acte. On a des enfants qui malheureusement subissent des faits de viol qui sont très sordides, mais qui pour autant arrivent à prendre du recul sur la situation, et arrivent à dépasser cet acte traumatisant, et puis il y en a d’autres qui vont subir quelque chose qui, pénalement, n’est pas gravissime, et pour autant ils sont très traumatisés. J’ai eu le cas d’une petite fille qui a subi un attouchement, et encore c’était vraiment à la limite, l’adulte avait posé sa main sur la cuisse, à la limite avec son sexe, et elle en était vraiment très perturbée. La chose qu’elle a pu nous dire c’est « J’ai lu dans ses yeux ce qu’il était capable de me faire », et c’est ça qui a fait traumatisme.

C’est-à-dire qu’à partir du moment où un enfant va ressentir le désir sexuel d’un adulte, il y a un traumatisme ? Parce que l’enfant n’a pas les outils pour comprendre ce qu’est la sexualité adulte ?

Oui, tout à fait. En tout cas, même s’il n’a pas les outils, il sent qu’il y a quelque chose qui ne devrait pas se passer.

C’est « bizarre »…

Oui, c’est bizarre… Alors, pas forcément la première fois. Parfois il faut du temps. Malheureusement parfois les choses s’aggravent aussi dans le temps, ce qui fait que là il prend conscience de ce qu’il subit.

Une fois qu’une relation s’est installée, une relation de confiance ?

Oui, parfois. C’est tout à fait le terme, il trahit la confiance de l’enfant. Parfois l’enfant a des gestes, peut être séducteur avec l’adulte, et c’est normal qu’il le soit, mais c’est la réponse de l’adulte qui n’est pas adaptée à cette demande d’affection.

L’enfant a besoin d’affection, il a besoin qu’on le touche. C’est important de toucher un enfant…

Oui, vous avez même des petites filles, qui sont dans l’âge de la séduction, qui s’assoient sur les genoux des adultes, mais qui pour autant ne cherchent pas une réponse sexuelle. Et cela peut troubler quelqu’un qui n’est pas forcément construit, et qui va prendre ça comme un appel sexuel alors que ce n’en est pas un. C’est là où les frontières sont dépassées.

L’enfant n’a jamais de demande sexuelle ?

Bien sûr que non. En tout cas, même si c’est un ado ou un pré-ado ou un ado, dans une période un peu trouble, où il peut avoir des désirs sexuels, en tout cas la réponse de l’adulte ne doit jamais être celle de l’acte sexuel, jamais.

C’est-à-dire que l’enfant, l’ado, le pré-ado, vient interroger le grand, sur les limites ?

Tout à fait. L’adulte en tout cas doit être clair dans la réponse, il doit lui signifier qu’il n’a pas le droit d’avoir une relation sexuelle avec lui, et qu’il peut comprendre sa demande, mais qu’en tout cas jamais il n’y répondra.

L’intégralité de chacun de ces entretiens est disponible gratuitement sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.